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Photo du rédacteurEdouard Boisson

Marcher, pour un avenir meilleur ...

Dernière mise à jour : 27 sept.

J'aimerai compléter ce témoignage de Philippe Baran (cf infra). J'ai eu la chance de pouvoir rencontrer et discuter avec un jeune Afghan de 21 ans. Mobin. Il me disait avoir mis 8 mois, à pieds, pour arriver à Lyon depuis Kaboul.


Pour fuir les Talibans ? Pas du tout ! Pour pouvoir vivre, construire sa Vie.

Là-bas, disait-il, il n'y a aucun espoir, aucune vie possible, plus rien. Même plus de médecins ou d'infirmières dans les hôpitaux pour cause d'Etat en faillite.


Ce qui me semble intéressant c'est que l'ami qui l'hébergeant sortait d'un burn-out sévère, de ceux où, après avoir calculé l'âge de ses enfants, l'on cherche à repartir Là-Haut.


Et il me disait : " tu sais Édouard, je n'étais vraiment pas sûr d'être en capacité de l'accueillir Mobin, et puis un jour ma fille ainée m'a dit cette parole magique "tu sais Papa, nous a la colloc, on a accueilli quelque temps un réfugié. Tu peux pas savoir la Joie que ça apporte"


J'étais en contact avec une association SINGA qui sécurise l'accueil : en cas de problème, quel qu'il soit, pour l'accueilli ou l'accueillant, on trouve une autre famille d'accueil. Aucun risque, aucune pression "pour que ça marche".


Alors j'ai dit OK. Et Mobin est arrivé, avec son sourire, sa Joie d'être en France, à Lyon, à prendre tous les petits boulots les plus durs, les cuisines de kebab l'été par 40° de canicule dehors et plus de 50° dedans, les supérettes où il faut gérer les vols, les personnes agressives, les alcolos, les clients qui disent à peine bonjour, ...


Toujours impeccable Mobin, d'une propreté irréprochable, d'un incroyable respect aux autres, même détraqués. Et ce sourire, et cette Joie. Ça m'a énormément aidé à remonter la pente.


Mais ce qui m'a le plus marqué c'est quand, dans son centre d'accueil d'une banlieue lointaine, je suis allé le chercher. Il était intimidé, rejouant une nouvelle fois les dés de sa Vie, en partance pour une nouvelle tranche de Vie, avec moi, un vieux bonhomme qu'il connaissait a peine. Alors, dans la voiture, je lui ai proposé de mettre sa musique, un rap doux de SOOLKING.


Et cette musique chantait "La Liberté, la Liberté, nous ça nous fait pas peur" (le clip est ici)


Je crois que ce jour là, vraiment, EN VRAI, j'ai compris ce que c'était que LA LIBERTÉ"


A Mobin, et à tous ceux qui, après avoir perdu leur père sur le chemin, sourient encore. A tous ceux qui ont eu le courage de tout abandonner, leur mère, leur jeune frère, leur sœur, pour partir les mains ouvertes vers un avenir qu'ils espèrent meilleur.
















Post Linkedin de Philippe Baran :

En pleine nuit, quand un migrant fuyant les gendarmes me prend pour un SDF, ça me fait sourire et me fait réfléchir sur ma condition.


Je ne m'attendais pas à rencontrer cette réalité au moment de partir marcher de Calais à Dieppe, en mode bivouac solo.


Après une journée épuisante, un sac trop lourd, une chute douloureuse, je n'aspirai qu'au repos en posant mon matelas sous les étoiles, aux abords des dunes de la Slack sur la côte d'Opale.


Mais une fois les touristes rentrés chez eux, c'est une autre réalité qui se met en place la nuit, comme un décor de théâtre. Quelle nuit chaotique entre le bruit des hélicoptères et avion de reconnaissance, les patrouilles de gendarmes, les torches en pleine figure qui m'arrache de mon sommeil.


Et puis cette angoisse de réaliser que des personnes sont cachées 3 mètres derrière moi. Soudain, un groupe de migrants entourent mon matelas avant de repartir. Un autre me rejoint doucement et entame une discussion improbable. Il est éthiopien et me prends pour un SDF. Il se croit à Calais et vient de rater son départ pour l'Angleterre.


Quelle ironie dans ce monde absurde : je marche et dors dehors pour le plaisir, eux pour survivre. Je n'oublierai jamais cette famille et fille de 10 ans auprès de qui je partage le peu d'eau qu'il me reste, avant de disparaitre dans la nuit.


Cette réalité des migrants ne m'a pas quitté pendant une semaine, le plus souvent par une présence invisible mais tellement forte. Comme ce tas de vêtements aux abords d'une rivière avec 3 chapatis tout frais, un kit de prière de voyage, une minuscule paire de basket sur une plage, des sacs de couchage.


Derrière chaque objet se cache une longue histoire, faite de souffrance mais aussi d'espoir. Cela m'a questionné sur cette foi et ce courage pour aller de l'avant, affronter la peur et le danger, le rejet.


Ce qui les maintien en vie, ce n'est pas de prendre notre boulot ou de nous spoiler, mais simplement un désir ardent de vivre libre, et c'est tellement énorme.


La petite graine qui a germé tout au long de ce périple de 300 km, c'est que la liberté pour moi ne se nourrit pas de réussite à atteindre mais simplement de ressentir la vie au plus profond.


Sentir la vie ne se conjugue qu'au présent, n'a pas besoin d'un mental contrôlant mais d'un corps sensible. Se sentir vibrant et vivant, c'est aussi s'accepter et accepter l'autre dans toutes ses différences.


Ce sentiment de vie se puise tout autour de moi, dans toutes ces pépites que le désir de faire pourrait occulter : l’amour de ma conjointe, de mes enfants, des amis, de mes proches, mon métier de coach, habiter en paix dans un si beau pays.


J'ai pris conscience de la vacuité à planifier, organiser, attendre un résultat, se perdre dans des objectifs. J'ai juste aujourd'hui envie vivre le plus intensément possible tout ce qui me rend libre et pleinement vivant, et d'aider les autres à vivre libre. 



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